Lentilles et activité sportive

(d’après une communication à la SFO de Novembre 2021)

Docteur Jean Philippe Colliot

Dr Jean-Philippe COLLIOT – Chantilly – Paris

 

La moitié des Européens pratique une activité sportive, ¼ d’entre eux étant licenciés (A noter toutefois qu’en 2017, 35% des européens n’ont jamais d’activité physique (marche, cyclisme, danse, jardinage...) (1)

Les élèves et étudiants font un ou 2 sports, les sportifs sont donc fréquemment vus dans les cabinets de consultation ophtalmologique …

Car il faut bien voir, surtout en compétition : 80% des informations perceptuelles reçues sont visuelles (2), sont essentiels la coordination œil –main, la vision des mouvements des objets ou des adversaires/partenaires dans toutes les des conditions environnementales (parfois à faible contraste).

Il faudra évaluer les vitesses, les distances, la profondeur de champ et réagir !

Quel est la plus value apportée par les lentilles de contact ?

Les myopes et les astigmates ont des aberrations surtout périphériques 

Les hypermétropes un scotome annulaire 

Les lentilles accroissent la vision périphérique et le champ visuel (3)

Sur le plan pratique :

Pas de buée ou de gouttes de pluie, pas de poussières, les lentilles ne glissent pas et ne s’accrochent pas dans les vêtements.

L’acuité visuelle est constante dans les différents types d’environnement.

Il y a moins d’interférences avec le jeu que des lunettes.

Les lentilles suppriment l’effet loupe ou le rétrécissement et même sans anisométropie, la profondeur de champ et l’acuité dynamique sont meilleures, ainsi que l’appréciation des distances.

L’absence d’effet prismatique et de risque de diplopie permet une meilleure vision simultanée dans toutes les positions. 

Certains sports se pratiquent sous éclairage puissant : en lentilles, on ne retrouve pas les reflets de la lumière sur les lunettes et il existe des lentilles photochromiques ; Beaucoup ont un filtre UV.

Quelles lentilles ?

Autant les lentilles rigides permettent une qualité visuelle incomparable, autant leurs inconvénients ressortent dans l’activité sportive : 

  • intolérance aiguë en cas de poussière sous lentille, 
  • risque de perte lors d’un coup de vent, d’un clignement intempestif ou absent (fixation pour viser), et nécessité d’un port quotidien pour leur bonne tolérance.

La solution pour un porteur de rigides est d’avoir pour l’activité sportive des lentilles souples jetables journalières en double prescription.

Les lentilles souples en hydrogel sont toujours commercialisées (car plus abordables financièrement) mais l’absorption des liquides (effet « éponge ») provoque parfois un assèchement rendant le port moins confortable en fin de journée : leur indication en 2022 est surtout le jetable journalier.

Le Silicone Hydrogel est actuellement le matériau à préconiser, qui existe pour la plupart des fabricants en sphériques, toriques et multifocales à la fois en renouvellement fréquent et en jetable journalier pour la grande majorité des amétropies.

Les améliorations constantes des matériaux permettent de repousser les limites de confort même en cas de sécheresse modérée.

Les systèmes de stabilisation modernes des lentilles toriques ont bénéficié d’améliorations qui les rendent compatibles avec une vision stable même dans les situations de rotation rapide de la tête ou du regard.

Mis à part le problème non résolu des infections et des sports aquatiques, les lentilles souples jetables journalières sont les lentilles idéales de la plupart des sportifs.

Les lentilles sclérales et hybrides sont de faible diffusion car d’adaptation assez technique. Les sclérales sont indiquées pour les syndromes secs sévères et les cornées irrégulières, les hybrides pour améliorer le confort d’une lentille rigide. Sauf pour les sports aquatiques, elles peuvent tout à fait convenir aux sportifs

Les lentilles d’ortho-K remodèlent l’épithélium cornéen pendant la nuit, et leurs effets durent tout au long de la journée. Elles sont indiquées pour les amétropies modérées (myopie jusqu’à -7, l’astigmatisme jusqu’à 4∂, l’hypermétropie de moins de +4, et la presbytie). Leur intérêt réside dans l’absence de lentille pendant l’activité sportive : c’est une alternative à la chirurgie réfractive (pour les patients ne pouvant ou ne voulant pas en bénéficier), supprimant le risque de perte et le risque infectieux en cas d’activités en contact avec l’eau.         

Il faudra cependant porter une attention particulière à respecter l’hygiène et le temps de port chaque nuit ce qui exclut les sports d’endurance ou le risque infectieux si l’hygiène n’est pas rigoureuse (bivouacs, courses en montagne…).

Certains sports posent un problème à l’ophtalmologiste, pour les amétropies non accessibles à la chirurgie réfractive. Une information claire des risques encourus, un consentement éclairé et l’assurance de la bonne compréhension par le patient sont primordiaux.

Natation 

natation et lentilles de contact

Les lentilles sont interdites en piscine, il faut des lunettes de piscine correctrices. 

Le risque d’infection à acantamœba est majeur en eau douce mais certains patients sont difficiles à convaincre, il faut alors limiter les risques, par exemple en préconisant oralement : 

  • des lunettes parfaitement étanches par dessus les lentilles
  • sous condition de jeter les lentilles dès la sorte de l’eau et un collyre antiseptique à mettre systématiquement

NB : l’ophtalmologiste est totalement opposé au port des lentilles pendant toute activité aquatique, et il ne s’agit pas de permettre une dérogation à la règle, mais de limiter les risques chez les patients récalcitrants.

Plongée

Un impératif, l’étanchéité du masque.

Attention aux changements de pression, à la remontée, des bulles se forment sous les lentilles rigides qui sont déconseillées (en plus du risque de perte car elles ne tiennent que par l’effet d’attraction du film lacrymal, qui disparaît si les yeux sont ouverts dans l’eau).

Le risque infectieux étant présent pour les souples, le mieux est d’avoir un masque correcteur qui existe même pour les presbytes (et sinon on peut avoir recours des press-on).

Water Polo

Water polo et lentilles de contact

C’est un sport assez rude, les lunettes sont interdites car il y a risque d’accrochage et l’éjection des lunettes (les lunettes de piscine ne sont autorisées qu’à l’entrainement natation, pas pour les matchs et les exercices avec ballon). 

Les seules lentilles conseillées sont l’ortho-K.

Surf

Surf et lentilles de contact

Malgré les bandeaux élastiques, la violence des chutes ne permet pas d’assurer de garder les lunettes.

Comme il ne se pratique qu’en mer, le risque infectieux est un peu moindre. 

L’ortho-K reste le 1° choix, mais des lentilles jetables journalières peuvent être tolérées. 

Ski nautique et Kitesurf

En eau de mer, c’est comme pour le surf, mais ces sports peuvent se pratiquer en eau douce avec le risque infectieux (amibes), on aura la même attitude que pour la piscine.

Triathlon

Ce qu’il faut savoir, c’est que les temps de transition font partie de l’épreuve, 2 transitions doivent être très rapides : natation –vélo puis vélo – course.

Les amétropes peuvent avoir des lunettes de natation correctrices et les échanger contre des lunettes de cyclisme.

Sur les blogs, on parle de lentilles…

S’il s’agit d’une épreuve courte (S ou XS) chaque minute compte et le temps total n’est pas suffisant pour avoir un problème infectieux, il est tout de même conseillé d’avoir des lunettes type piscine correctrices, sinon de jeter les lentilles avant de monter sur le vélo.

Pour les épreuves longues (XL), pouvant durer 14 heures avec par exemple pour l’Iron Man norvégien 3 km de natation + 190 km de vélo et 42 km de course se terminant à 1600 m d’altitude, les temps de transition ne représentent pas grand chose mais le temps de contact rend le risque infectieux élevé.

Haute montagne

Haute montagne et lentilles de contact

La diminution de la pression atmosphérique est aux deux tiers de sa valeur à 4 000 m. Cette hypoxie entraîne : 

•  une hyperpnée avec augmentation de l’élimination du CO2 ; 

•  une vasodilatation avec rétention sodée ; 

•  un œdème tissulaire, responsable entre autres du mal des montagnes. Il donne un chémosis, une hyperhémie conjonctivale et un épaississement cornéen. 

L’air froid (diminution de 1°C par 150 m) est sec : baisse du quart de sa valeur à 4000 m et moins aux basses températures. 

Il est réchauffé et humidifié par une hyperventilation qui provoque une déshydratation. 

Il peut se voir des gelures palpébrales, altérant la qualité du film lacrymal aggravée par l’existence possible de kératites avec baisse de l’acuité visuelle. (4)

L’hypoesthésie de la cornée retarde l’inconfort des lentilles et peut donner des lésions épithéliales.

Le vent peut entraîner une perte, le port de lunettes (anti-UV) est indispensable.

Les lentilles rigides risquent d’être perdues, les souples jetables journalières ne peuvent pas être mises dans des condition d’hygiène suffisantes et l’ortho-K n’a pas sa place. 

On va conseiller plutôt une lentille à faible hydrophilie et à haut DK/e, en port continu (5), avec un collyre antiseptique matin et soir et un collyre mouillant dès que possible. 

La prudence veut que l’on fasse l’essai de ces lentilles en port continu sur plusieurs jours bien en amont de l’activité.

Haute mer

Les lunettes correctrices sont peu pratiques dans les conditions extrêmes (vent, embruns, manœuvres), sauf pour la protection UV.

Là aussi, on admettra des lentilles à port continu qui seront changées quand les conditions le permettent.

Rallyes

Les conditions sont poussiéreuses, les bivouacs ne permettent pas le respect de l’hygiène.

Le pilote doit voir la route, le copilote la carte et la route : les lunettes sont très vite empoussiérées.

Là aussi sont indiquées les lentilles à port continu avec antiseptique matin et soir.

Monte en course (équitation)

Equitation

Les lunettes et les lentilles rigides sont interdites : les lentilles souples (au mieux jetables journalières) ou l’ortho-K sont indiquées.

Boxe

La boxe ne nécessite pas une bonne vue de loin puisque la limite de myopie acceptée pour la licence est -3,5.

Les boxeurs peuvent perdre les lentilles souples par déshydratation.

L’ortho-K est une bonne indication (pas de risque de perte du capot du LASIK).

Rugby

rugby et lentilles de contact

Les sports collectifs requièrent une perception immédiate des mouvements dans le champ de vision, le risque de perte d’une lentille même souple n’est pas négligeable.

L’ortho-K est là aussi une solution.

En conclusion, les lentilles trouvent dans l’activité sportive une indication de choix. Pour certains cas à risque, une information du patient avec une prise de conscience des conséquences est indispensable.

1 https://www.sportsdenature.gouv.fr/sport-et-activite-physique-en-europe

2 Vision et sport:performance, expertise et sport de haut niveau Rapport de recherche INSEP 2004

3 Sports, performance and contact lenses Mike Hale  10/07/2014 

4 Sylvie Berthemy Pratiques en Ophtalmologie • Avril 2014 • vol. 8 • numéro 73

5 Sylvie Berthemy Revue Rendez vous Contacto Mars 2004

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